Bonjour Thérèse,
Voici notre témoignage de couple sur notre rapport à la pornographie.
E., c’est lui. S., c’est elle.
E: Depuis mon adolescence, je suis tombé dans une addiction à la pornographie. Peut-être, pour commencer à découvrir la sexualité, et aussi suivre mes camarades. J’ai passé des années à regarder en cachette, à savoir comment effacer mon historique sur internet.
Il m’est arrivé de me faire prendre, mais j’ai à chaque fois réussi soit à noyer le poisson, soit à dire que je ne le referai plus.
Ainsi, j’ai passé des années, prisonnier de la consommation de ces images, parfois en réussissant à me contenir, parfois en étant complètement dépendant.
S: J’avais moi-même un lourd bagage à porter par rapport à la sexualité.
Lorsque j’étais enfant, ado, je pouvais parler de sexualité en toute confiance avec mes parents, mais il y avait cette blessure vive de la génération d’au-dessus : celle de ma maman qui avait subi des actes de pédophilie quand elle était petite. Et dans ma tête de petite fille, puis de jeune fille, parfois, c’était confus : ma maman me peignait un tableau d’une grande beauté de la sexualité et, en même temps, me disait que ça pouvait faire du mal, c’était comme s’il fallait que je reste sans arrêt sur mes gardes…
E: Après le début de ma relation avec S., j’ai pu trouver les forces de réduire ma dépendance.
J’ai toujours essayé de faire la part des choses, entre ce que je voyais dans la pornographie et la réalité. Et donc, je voulais quand même respecter S..
S: De mon côté,
je trouvais qu’E. cherchait, dès le début de notre relation, à aller toujours plus loin dans les gestes. Je ne me sentais pas toujours en phase avec ce qui m’animait à l’intérieur de moi… c’est-à-dire, le fait de prendre du temps avant de poser des gestes plus intimes.
E: Au fond de moi, je me disais qu’il fallait que je lui annonce mon addiction avant de faire ma demande en mariage.
Je savais que S. espérait une demande romantique. Ce fût alors le jour de Pâques, au bord d’un lac. Tous les ingrédients étaient réunis pour en faire un jour mémorable.
Alors que nous étions en train de visiter les salles, choisir le traiteur, etc., j’écrivais ma lettre pour lui avouer. Et je pensais intérieurement : “et si après cela elle ne voulait plus continuer avec moi”. Mais je savais que je devais absolument lui dire le plus rapidement possible !
Je me suis promis, que si je lui faisais la demande, il me fallait lui parler de cette addiction plus rapidement possible (dans le mois). Je ne devais pas la trahir avec cela.
S: Après nous être dit qu’on s’engageait dans le mariage, je me sentais enthousiaste et le cœur en fête. On commençait déjà à fixer une date de mariage, etc.
Et puis, il y a eu ce jour, où E. s’est assis à mes côtés et m’a tendu une longue lettre … en la lisant, je prenais connaissance de son addiction pour la pornographie. Tout s’est bousculé très vite à l’intérieur de moi : pourquoi je n’ai rien vu venir ? Et en même temps, tout de suite après cette interrogation, je me suis entendue dire : “Qui je suis pour le juger ? J’ai des côtés sombres aussi de mon côté, je ne peux que lui pardonner … ”
E: J’ai été très touché par la bienveillance de S. après cela. Elle m’a accepté comme je suis.
S: Le soir même, je me suis retrouvée seule dans mon logement et je crois qu’il fallait que je prenne le temps d’accepter et de découvrir cette réalité difficile à encaisser.
Je me souviens avoir été submergée par une multitude de sentiments, tout est remonté à la surface d’un seul coup : colère, dégoût, trahison, tristesse…
Est-ce que, finalement, j’avais exprimé un pardon trop rapidement tout à l’heure lorsqu’il m’a avoué ?
Quelque temps après cette nouvelle fracassante, j’ai apprécié qu’E. me repose la question “veux-tu m’épouser ? Tel que je suis ?” Je me souviens que ce OUI-là résonnait plus fort que le premier OUI que j’avais prononcé quelque temps auparavant, dans un cadre romantique. Finalement, le romantisme n’avait plus de saveur. La vraie saveur, c’était celle de la vérité : “ la vérité vous rendra libre”.
E: Suite à cela, on s’est marié Cette force donnée par S. m’a aidé à me défaire de cette addiction. Enfin du moins c’est ce que je pensais.
Les années ont passé… Avec ses hauts et ses bas… des mois passés…
Avec des alternances entre périodes d’abstinence et rechutes. Avec quelques moments où je me suis fait prendre par S.
S: Un jour,
alors que j’étais enceinte de notre premier enfant, je l’ai surpris malencontreusement. Ça m’a fait l’effet d’un coup de poignard en plein cœur avec cette envie d’hurler ” pourquoi tu me fais ça ? ” “pourquoi tu recommences ?” ” est-ce que tout ça va s’arrêter un jour ? “
Je me souviens que je me suis tournée, de manière désespérée, vers Dieu. Je l’ai supplié de m’inspirer, d’agir avec moi, en moi car, toute seule, je n’en avais plus la force. Alors que je terminais de crier ma détresse, je suis allée voir E.,
j’ai pris mon mari dans mes bras et je lui ai dit que je l’aimais. Cet instant-là a été salvateur.
E: Je m’en sortais avec des explications, des promesses de lui en parler, de ne plus recommencer. Cela durait un moment, mais après je finissais par rechuter. J’avais honte alors je n’en parlais pas plus. D’ailleurs, c’est devenu le sujet tabou de notre couple.
S:
Avec le rythme bien soutenu qu’a engendré la venue de nos 3 enfants, je manquais d’énergie pour lui poser des questions, parler de ce sujet… ou plutôt, je crois bien que je n’avais plus envie de réouvrir la plaie, souffrir de nouveau.
Pourtant, faire comme si de rien était, n’était pas la solution non plus… Le fait de ne plus en parler laissait place à l’imagination : je n’arrivais plus à créer un climat de confiance, je me méfiais très souvent.
Et notre sexualité en prenait aussi un sacré coup : le fait de ne plus en parler, de ne pas savoir m’empêchait par moment d’avoir des relations sexuelles. J’avais l’impression que mon corps était sali d’avance.
E: Il y a plus d’un an, j’étais depuis un moment dans une période d’abstinence. Je suis tombé sur votre parcours, Thérèse Hargot, pour arrêter le porno. Puis au même moment, S. m’a aussi demandé où j’en étais ! Je lui ai présenté le parcours.
Nous avons décidé de suivre ensemble le parcours que vous proposez pour arrêter le porno. On a passé plusieurs soirées à le suivre, et surtout en discuter. Ce fût un très bon moment, et de beaux échanges. Nous avons pu aborder certains thèmes, dont nous n’avions jamais échangé entre nous.
S: Lorsque E. m’a proposé de vivre ce parcours, j’étais contente que cette initiative vienne de lui, car j’avais l’impression, que les dernières années, le peu de fois où on abordait ce sujet, cela venait de moi. En même temps, j’y allais un peu à reculons en me disant : encore un truc pour arrêter le porno mais… Est-ce que ça va vraiment marcher après toutes ces années ?
En réalité, ce parcours a été un immense cadeau pour notre couple. J’ai réalisé combien chacune de nos discussions, notre écoute mutuelle, nous avaient permis d’avancer sur ce sujet.
E: Cette démarche a coïncidé avec un temps de “retraite pour couple”, qui nous a permis de continuer à en parler.
S: Depuis le début, E. m’avait fait promettre de ne pas le dire à nos proches. Je pouvais uniquement en parler à des personnes extérieures. Ça m’a fait du bien à chaque fois que j’ai pu “vider mon sac”. Je retiens aussi ce dialogue Imago que nous avions pu faire l’été dernier. C’était très beau de pouvoir le vivre à ce moment-là.
E: Et aujourd’hui ?
Je ne ressens plus l’envie de voir du porno. Même si c’est dur, lorsque l’on est confronté par les multiples images suggestives. Je sens que j’ai passé un cap. Je suis très content et fier d’avoir pu réussir cela.
Je remercie S. pour son soutien et sa bienveillance. Je n’y serais pas arrivé sans son aide.
S: Je voudrais m’adresser aussi à E. : je suis fière de toi, fière de tout le chemin que tu as parcouru, fière que tu puisses être là aujourd’hui pour donner ton témoignage.
E: Suite à cela, j’ai envie d’évoluer vers une sexualité plus belle, comme découvrir le “Slow Sex”.
Notre sexualité d’aujourd’hui s’est construite à partir de nos deux expériences et de nos blessures.
S: Nous avons tenu à rajouter une date à notre calendrier de célébrations importantes : l’anniversaire de cette victoire sur ce combat ! Ça été une grande joie de pouvoir la célébrer pour la première fois il y a quelques semaines et je souhaite qu’on puisse fêter cet anniversaire encore de nombreuses années !
S & E, 37 ans.
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