Enfin, une soirée rien qu’à nous. Sans invitation, dîner, administration, concert, ménage, cocktail, voyage d’affaires, ni prise de tête sur le passé, l’avenir et autres complications d’une vie de famille, new-yorkaise de surcroît.
Une soirée exceptionnelle donc : on regarde un film. Un premier clic pour Netflix, une négociation serrée et victoire du film romantique (comme toujours) contre le drame historique. Un deuxième clic sur « foreign movie», un troisième pour « French » : unique recours pour espérer une belle scène d’amour dans ce pays du “couvrez-moi-ce-sein-que-je-ne-saurai-voir!“
A l’écran, on ne fait pas l’amour de la même façon d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique : fiction ou réalité ? J’entends déjà l’esclandre. « Comme c’est cliché de parler ainsi! Déjà pour commencer « les Américaines » ça n’existe pas! Les New-Yorkaises ne sont pas californiennes, les Latinos pas asiatiques, les Blanches pas noires, les protestants pas catholiques. Et puis franchement, la sexualité c’est quelque chose d’éminemment personnel, chaque femme est différente !» Je suis d’accord, rassurez-vous. Mais les individualités n’empêchent pas d’observer des tendances de fond très différentes et ce sont elles qui m’intéressent pour une fois dans cette chronique. Dans mon accompagnement de francophones aux Etats-Unis, j’en suis l’observatrice privilégiée. Voici en guise d’introduction un florilège de témoignages-clichés remaniés et leur explication pour ouvrir le débat et provoquer une réflexion sur le sens que la sexualité prend dans votre vie.
Force est de remarquer que toutes les femmes du monde transportent avec elles un parfum de fantasme différent qu’elles soient américaines, françaises, brésiliennes, africaines, asiatiques, australiennes, italiennes ou anglaises et j’en passe. Tiens, quand j’y pense, toutes oui, sauf un peuple d’irréductibles dont l’évocation ne suscite absolument aucun imaginaire sexuel : les Belges. Je suis belge… A défaut de comprendre ce vide érotique, je revendique mon entière impartialité.
« C’est sûr que l’Américaine est associée au fantasme de la blonde (très blonde) à forte (très forte) poitrine. Enfin… c’est celle-là que l’on imagine au départ, ce n’est pas toujours celle que l’on rencontre à l’arrivée», entendons-nous de la bouche des Français. Cette vision est le reflet d’une culture qui exalte un corps maîtrisé et stéréotypé. Les magazines forment ce modèle ; l’exercice physique, le maquillage, la coloration, le brushing ou la chirurgie esthétique, sont les moyens pour y correspondre. De l’autre côté de l’Atlantique, la Française met en valeur une beauté plus naturelle, le bon goût étant de rendre invisible les artifices qu’elle a aussi utilisés. Il ne faut pas que ça se voit, il ne faut pas en faire de trop. C’est le corps androgyne qui est convoité par les femmes. Angelina Jolie est donc bien loin de Charlotte Gainsbourg : deux beautés, deux féminités.
«On dirait parfois qu’elles (les Américaines) ont appris un rôle et qu’elles répètent des gestes mécaniquement. Pour espérer nous satisfaire, elles n’hésitent pas à reproduire ce qu’elles ont lu dans leur magazine, entendu entre copines ou ce qu’elles ont vu dans les films pornographiques. En fait, c’est ennuyeux ! » m’a-t-on confié à plusieurs reprises. Le paradoxe américain est ici à son comble : officiellement puritain, officieusement imprégné par l’industrie pornographique la plus importante au monde. Pas étonnant pour une culture qui cherche l’efficacité, la perfection et la performance que ces images deviennent souvent un modèle. On observe à quel point les valeurs du travail glissent dans la sphère de l’intimité au détriment de la relation inter-personnelle qu’elle est appelée à être. Aux Etats-Unis, on dit « have sex » ou « have an affair »; en France, « avoir une relation (sexuelle) ». Un mot de moins, une dimension évacuée. C’était pourtant celle qui transforme la satisfaction d’un besoin en un moment de partage qui renforce l’amour… Ce monde de différence, on le retrouve pour la gastronomie par opposition au « Fast Food » qui laisse comme un goût amer une fois consommé.
« Je suis un peu embêté… ma copine (américaine) est satisfaite de notre sexualité alors que moi pas. Je voudrais l’emmener plus loin, sortir de cette routine qui fonctionne peut-être bien mais elle ne comprend pas ce que j’essaye de lui signifier. Mes anciennes copines étaient françaises et c’était franchement très différent». Ce n’est pas une expérience isolée qui m’a été confiée. Mon professeur d’université Pascal de Sutter l’explique dans un entretien avec le siteAtlantico: « J’ai participé à une recherche sur un nouveau médicament, une pilule, permettant d’augmenter le désir sexuel des femmes. En observant les Européennes et les Américaines, on observe que ces dernières, à partir du moment où la fréquence de leurs rapports est plus rapprochée, voyaient leur satisfaction croître. Alors que pour les Françaises, cette hausse de l’envie n’a pas entraîné une hausse de leur satisfaction. Le fonctionnement sexuel des femmes est donc très différent outre-Atlantique. En Europe et en France particulièrement, la qualité prime sur la quantité ». Cette observation est valable dans d’autres domaines, je pense notamment à l’éducation. Les parents français vivant à l’étranger désapprouvent souvent le système de notation américain où la satisfaction est facile. Forte de son éducation, entre autres choses, la Française est plus exigeante pour le pire et le meilleur.
Et je pourrais poursuivre avec d’autres exemples. L’idée que je voulais partager est simple : l’amour est un art de vivre. Dis-moi comment tu prends soin de ton corps, comment tu manges ou comment tu penses et je te dirai comment tu fais l’amour ! L’union sexuelle est toujours une rencontre entre deux personnes chargées de leur histoire personnelle et de leur culture. L’autre est comme un pays étranger. Dans l’union franco-américaine, les différences sont importantes. Sans les reconnaitre, la vie du couple est menacée. En les découvrant, elles peuvent se conjuguer en un corpus envoûtant… Qui sait ? Certains y sont arrivés.
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