Question: fantasmes et mariage sont-ils compatibles? (1ère partie)

J’étais plongée dans Simone de Beauvoir ce matin, Le deuxième sexe. Les fameux surlignements au fluo jaune de la jeune étudiante que j’étais disparaissant progressivement, je visite le texte différemment aujourd’hui. J’allais vous partager ma lecture quand justement, mon Iphone vibre à la réception de ce commentaire à mon conseil sexo d’hier:

“Est-ce qu’il ne pourrait pas y avoir un danger à fantasmer? Même avec mon épouse, je ne voudrais pas faire d’elle l’objet de mes lubies, un simple objet de fantasme? Ou est-ce que le fait de partager cela ensemble dans le respect fait qu’il n’y a pas d’utilisation?”

Cette question est tout à fait révélatrice de la situation complexe dans laquelle époux et épouse se retrouvent: est-ce que fantasmes et mariage sont compatibles? Autrement dit, est-ce que l’imaginaire érotique (constitué principalement d’images inavouables parce que farfelues, dégradantes, avilissantes, honteuses, infamantes, indignes, humiliantes, etc.) peut être partagé et utilisé dans le mariage où l’amour, le respect, la fidélité et la dignité sont les piliers?

A priori, non. Le fantasme apparaît comme un danger pour l’amour et la très large majorité des couples décident donc de ne pas en parler (et de les vivre à l’extérieur du couple). De l’autre, le mariage semble menacer aussi le désir sexuel qui pourtant préexistait à l’engagement. D’une femme (objet de désir), elle devient par le mariage sa femme qu’il respecte, veille et (surtout aussi) protège du regard désireux des autres hommes…

Le sujet est extrêmement important et délicat. L’amour et l’érotisme semblent si souvent se contredire. Cette contradiction est la source d’une tension exacerbée dans nos sociétés occidentales où l’amour et le désir érotique ont une place gigantesque. Mais cette tension est insoutenable. Alors on lâche, on abandonne l’espoir de les vivre ensemble pour espérer retrouver la paix. Certains annulent tous leurs désirs au profit de l’amour ou l’amour au profit du désir. Les autres s’auto-convainquent qu’il est possible d’aimer une femme (ou un homme) mais de vivre ses fantasmes à l’extérieur du couple…

Et s’il y avait une troisième voie? C’est ce que je crois. Je vous en parle dans un prochain post. D’ici là, je vous rapporte les mots de Simone de Beauvoir (puisque j’avais le texte sous le bras) et je vous encourage à lire ou relire ma chronique sur le sujet “femmes recherchent fantasmes”.

“Depuis la naissance de l’amour courtois, c’est un lieu commun que le mariage tue l’amour. Trop méprisée ou trop respectée, trop quotidienne, l’épouse n’est plus un objet érotique.

C’est que l’érotisme implique une revendication de l’instant contre le temps, de l’individu contre la collectivité ; il affirme la séparation contre la communication ; il est rebelle à toute réglementation ; il contient un principe hostiles à la société.

Car le but du mariage est en quelque sorte d’immuniser l’homme contre sa femme : mais les autres femmes conservent à ses yeux leur vertigineux attraits ; c’est vers elles qu’il se tournera.

Il y a une double exigence de l’homme qui voue la femme à la duplicité : il veut que la femme soit sienne et qu’elle demeure étrangère ; il la rêve servante et sorcière à la fois. Mais c’est seulement le premier de ses désirs qu’il assume publiquement ; l’autre est une revendication sournoise qu’il dissimule au secret de son cœur et de sa chair.”

Affaire à suivre.

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