Question: en amour, comment faire le bon choix?

Quelque part dans notre tête, nous avons tous le portrait-robot de la personne idéale avec qui nous rêvons de faire notre vie, fabriqué à coup de contes de fée, modèle ou contre-modèle parental, stéréotypes diffusés dans la publicité et films hollywoodiens mais aussi au gré de nos expériences, nos rencontres, notre sensibilité. Généralement, il est grand, brun, aux yeux bleus. Il est intelligent et sportif, gentil et fort à la fois. Il est en bonne santé, il a un bon travail, il a une famille et des amis qui l’entourent, un niveau socio-économique plus élevé que le sien. Elle, on la voudrait plus petite que soi mais pas trop, plantureuse mais pas grosse, instruite mais pas carriériste, sportive mais pas costaude, maternelle mais sexy. Enfin, pas trop. Ces archétypes correspondent en partie à notre instinct animal qui cherche à se reproduire. Les formes féminines renvoient à la capacité d’enfanter, la force physique au besoin de sécurité. 

Alors, depuis l’adolescence, depuis donc que l’individu est capable de se reproduire, on passe quasi systématiquement hommes ou femmes au scanner afin d’évaluer leur taux de compatibilité avec l’idée que l’on s’est faite, ce fameux portrait-robot. On a une liste et on la check. 

L’individu qui comptabilisera le maximum de critères sera le bon choix. En à peine un rendez-vous, on sélectionne les potentiels candidats. Il est gros, game over. Elle est coincée, game over. Il est au chômage, game over. Elle gagne deux fois plus que moi, game over. Et je n’exagère pas. Il suffit d’entendre les célibataires. Leur mode de sélection est impitoyable. Les amis finissent par les encourager à revoir leurs critères à la baisse : « Tu es trop exigeant, tu ne trouveras jamais personne ! », « Le prince charmant n’existe pas, il est temps de le réaliser !». Et puis un jour, les chanceux s’exclament : « J’ai trouvé la femme de ma vie », « J’ai trouvé l’homme de ma vie ». Ils disent « Je t’aime », habitent ensemble, se marient et font des enfants. Il veut quatre enfants, comme moi. Elle fait du kite surf, comme moi. « On est fait pour s’entendre ! » Peut-être. Mais pour s’épouser ? Rien n’est moins évident. Quel est cette sorte d’amour ? Je t’aime ou j’aime l’image que tu renvois ? Je t’aime ou j’aime la satisfaction d’avoir pu valider sur de nombreux points ta correspondance avec ce que j’attends d’un conjoint ?

Je t’aime ou j’aime le fait que tu sois à mon image et à ma ressemblance ?

Si le mariage est un contrat entre deux parties, fondées sur ce que l’un et l’autre, à un moment donné, dans un lieu donné, sont, comment peut-il durer dès lors que les critères de sélection changeront, évolueront, disparaitront ? Le jour où mon mari perd ses cheveux, son travail, sa fougue. Le jour où ma femme prend du poids, des responsabilités, des rides. Qu’adviendra-t-il de notre mariage ? L’autre n’est plus celui ou celle que j’ai connu et s’il ne correspond plus à mes critères, ne renvoie plus l’image que j’avais choisi, une image qui me valorisait et me rassurait, pourquoi donc rester ensemble ? Il y a peut-être mieux ailleurs ? Et certainement, il y a mieux ailleurs. Et d’aventures, en aventures, on poursuit la recherche de son idéal. Une femme plus drôle, plus sexy, plus intelligente, moins bavarde, moins emmerdante, moins castratrice. Un homme plus musclé, plus entreprenant, plus à l’écoute, moins chauve, moins dure, moins absent. Les termes du contrat ne sont plus respectés ? Résilions-le ! Surtout si la personne peut être remplacée par une autre, dont le taux de correspondance est meilleur ou dont l’image est plus valorisante narcissiquement.

C’est la situation banale du quadragénaire qui tombe fou amoureux de cette jeune étudiante, comme par hasard au moment où il aperçoit sur le visage de son épouse les premières rides qui lui rappellent, en fait, sa propre finitude. Il change de femme pour changer de miroir.

Ce qu’il faut comprendre c’est qu’un choix fondé sur des critères de formes est extrêmement fragile et absolument pas durable.   

Alors quelles sont les questions à se poser ? 

Commençons par le commencement : ais-je envie de faire l’amour avec elle, avec lui ? Ne négligeons jamais cette question sous couvert que partager des valeurs communes serait plus important que de se désirer sexuellement ! Le mariage, c’est une affaire de sang, de sperme, de sueur, de peau à peau… L’attraction physique est donc primordiale. Souvent, certains la dénigre par réaction aux aventures sans lendemain vécues sous l’impulsion d’un désir jamais relayé par une amitié profonde et des projets communs. Ils préfèrent désormais fonder leur choix amoureux sur quelque chose de plus solide mais ils ont tort de négliger l’aspect charnel de l’amour.

Je rencontre beaucoup de femmes dans mon cabinet qui me partagent ne jamais avoir eu de désir sexuel pour leur mari mis à part lorsqu’elles étaient fiancées et qu’elles s’interdisaient de coucher !

Ce n’était en réalité ni lui ni leur relation qui provoquait l’excitation sexuelle mais bien l’interdit lui-même. Une fois mariée, leur vie sexuelle est un désastre, forcément. S’interroger sur l’alchimie sexuelle, c’est reconnaitre qu’en amour, il y a des choses que l’on ne maîtrise pas, qui ne s’expliquent pas mais qui sont nécessaire au mariage heureux. Bien orgueilleux sont celles et ceux qui sous-estiment cette dimension ! 

Interroger son cœur, revient à se demander ce que la présence de l’autre provoque en soi.  Quelles sont les émotions qui m’habitent ? On dit qu’il faut être amoureux. Mais avoir des papillons dans le ventre, ne constater que les qualités de l’autre, y penser tout le temps, souffrir en son absence, se sentir jaloux, ne sont pas des critères de discernement.

Il y a quelque chose de plus profond qui se vit dans le cœur quand « c’est lui !», quand « c’est elle ! » : la paix et la joie.

La paix n’est pas le bien-être, la joie n’est pas le plaisir. Le bien-être et le plaisir sont des émotions fugaces, la paix et la joie sont des sentiments durables. Sa présence m’apaise-t-elle ? Est-ce que la joie m’habite lorsque l’on se retrouve ? 

Reste encore une part de nous, essentielle au discernement, que nous n’interrogeons quasi jamais : notre instinct. Que nous dit-il ? Comment est-ce que je sens cette personne, au fond de moi ? M’inspire-t-elle confiance ou suscite-t-elle en moi une certaine méfiance ? Est-ce que je me sens en sécurité ? Est-ce quelqu’un de bon ? Est-ce quelqu’un de sain ?

En amour, nous faisons de mauvais choix parce que nous n’écoutons pas cette petite voix en nous.

Déconnecté de notre être sauvage, nous sommes devenus des êtres disciplinés qui obéissent à la seule voie de la raison ou se laisse guider par leur sensibilité. Nombreuses sont les personnes qui diront après une rupture amoureuse : « Je le savais que je ne serais pas heureuse avec lui », « Je le savais qu’elle me tromperait », « Je le savais qu’il n’était pas fiable », « Je savais qu’elle était violente », « Je le savais… ». Pourquoi n’ont-ils pas suivi leur instinct ? A cause du carcan sociale d’une part, à cause de leurs fragilités affectives d’autres part. Ils n’ont pas su se faire confiance, tout simplement, à ce moment-là de leur vie et ont préféré se faire croire qu’un amour était possible bien que tous les signaux étaient au rouge.

En fait, ce sont les questions liées à la dimension physique, affective et instinctive qui sont les plus importantes à se poser avant de s’engager. Le reste n’est pas un souci. Pourquoi ? Parce que ce sont des états que nous subissons, nous n’en sommes pas les auteurs. Tout cela nous dépasse, quoiqu’en dise les scientifiques. C’est la fameuse part de mystère dans l’amour, sa dimension « passionnelle » c’est-à-dire l’état de passivité dans lequel l’individu se trouve et la souffrance qu’il génère quand il n’est pas partagé, quand il est impossible, quand il est interdit. Quant à la question du nombre d’enfant désiré, du type d’éducation, des passions partagées et du rapport à la belle-famille, aux amis, à l’argent, à la religion, à la politique ou au sport, ce sont des choses qui peuvent être discutées, elles sont faciles à réconcilier, surtout avec les outils thérapeutiques dont nous disposons aujourd’hui. Même la question de l’admiration peut être travaillée au sein d’un couple quand elle manque d’un côté ou de l’autre. Avec un peu de volonté et d’intelligence, ce sont des sujets qui peuvent être traités en cas de discorde. 

En consultation, quand une femme me dit « Je ne me suis jamais sentie en sécurité en voiture avec mon mari », je sais que l’enjeu est profond et sera (très) difficile à dépasser!

La conduite en voiture est une expérience extrêmement révélatrice pour un couple. Ce qui se joue, c’est la confiance instinctive, c’est la capacité à s’abandonner ou non à l’autre. C’est ou ce n’est pas. Ça peut s’améliorer, mais c’est compliqué car l’affaire est totalement irrationnelle ! Quand un homme me dit : « Je préfère rester au travail plutôt que de retrouver ma femme », ça sent mauvais aussi, pour être honnête. La présence de sa femme l’oppresse et ce n’est pas toujours compréhensif par la raison… Quand une femme me dit (et elles sont extrêmement nombreuses) : « Je n’ai jamais eu de désir sexuel pour mon mari ». Je fais « Gloups », et un joli sourire aussi. Ça ne va pas être une mince affaire ! Bref, quand le mal-être se joue au niveau charnel, émotionnel ou qu’il relève d’un ressenti « instinctif », et ce depuis toujours – cette notion temporelle est un critère fondamental – le changement à opérer n’est pas impossible, mais il est extrêmement délicat.

A contrario, les disputes liées aux enfants, la belle-famille, le travail, l’argent, la religion, les amis, ce n’est vraiment pas compliqué à traiter, le couple n’est pas en danger.

Et si avec les années et les enfants, les sentiments amoureux et l’attraction sexuelle ont disparu peu à peu, et imaginons même qu’aujourd’hui ils s’éprouveraient pour quelqu’un d’autre : redynamiser positivement le couple, c’est tout à fait possible.

Le principe est simple : pour faire « ressusciter » quelque chose, il faut au préalable qu’elle ait existée !

Mais le plus important encore, c’est de s’interroger sur la personne de l’autre: Est-il en quête de vérité ? Quelles sont ses valeurs ? Qui est Dieu pour lui ? Est-il soucieux des plus fragiles ? S’engage-t-il pour le bien commun ? Est-ce quelqu’un de bon ? Est-ce quelqu’un de juste ? Vos échanges sont-ils nourrissants et vous font grandir dans une spiritualité plus profonde ?

Sa présence à vos côtés vous apaise-t-elle ? Etes-vous capable de vous pardonner et ce pardon vous apporte-il la paix ? Quelle fécondité portez-vous ensemble ?

La fécondité n’est pas seulement l’enfant. Elle peut être aussi artistique, intellectuelle, sociale, spirituelle, professionnelle. Ce sont ces questions qu’il faut se poser. Elles nécessitent de prendre du temps pour entrer dans le monde de l’autre, découvrir ce qui l’anime, ce qu’il est, profondément. Elles nécessitent aussi de ne pas se contenter du discours d’un beau parleur mais de le constater dans la réalité. En cas de divergences d’opinions ou de pratiques comment réagissez-vous l’un et l’autre ? Comment souhaitez-vous éduquer les enfants sur ces questions-là ? Chacun de ces échanges vont permettre de donner des éléments objectifs sur lequel fonder son choix et enrichir considérablement la relation.

Et s’il devait rester une seule question?

Pour savoir si l’on fait le bon choix, il faut au préalable s’interroger sur l’objectif de la relation conjugale: pour quoi ais-je le désir de vivre en couple avec cette personne? Qu’est-ce que je cherche profondément dans cette relation? Est-ce pour me rassurer narcissiquement, matériellement, socialement? Ou est-ce pour grandir intérieurement et devenir quelqu’un de bon, quelqu’un de bien; pour devenir davantage le meilleur de soi-même?

Notre amour me rend-il meilleur?

Pour ma part, je ne crois pas que le couple au 21e siècle puisse durer s’il répond au besoin de bien-être. Je pense que le couple durablement heureux est composé de deux personnes en quête de liberté, de sagesse et de bonté.

Vous devriez aimer