Elles étaient là, avec leurs jolies robes fleuries, dessinant très calmement des princesses avec des feutres colorés quand ma fille les a naturellement rejoint. Au même instant, je perds totalement le contrôle de mon plus jeune fils d’à peine 16 mois, fonçant droit vers le train de bois écartant brutalement les garçons rassemblés autour du circuit. C’est la rentrée. Nous sommes en 2013 et les enfants sont encore aux antipodes de l’indifférenciation sexuelle que certains adultes leur souhaite.
En grande section, on touche des sommets, on frise presque le ridicule, tant c’est gros. Les voilà devenus des caricatures animées de ce que l’on attribue au féminin et au masculin. Pas étonnant donc, que le gouvernement ait choisi d’y introduire son programme de lutte contre les stéréotypes de genre intitulé l’ABCD de l’égalité.
Un projet pilote pour cette année, une diffusion massive dans les écoles pour la rentrée prochaine, tel est l’agenda. L’objectif est d’ouvrir l’esprit pour une meilleure égalité professionnelle entre les sexes: une femme peut être garagiste, un homme infirmier, une femme peut être pompier, un homme stewart. Really? So excited, it’s amazing! Oui, on les imagine aisément sauter de joie en apprenant la nouvelle! On dirait que ce souci affiché et louable d’égalité cache mal l’intention réelle de ce programme: effacer le principe d’identité sexuelle qui se confirme justement à cet âge là!
Enfant, je voulais être femme de ménage. Et sainte aussi, mais ça, c’est pas vraiment un métier… Au final, j’ai fais des études universitaires poussées. Et je suis même sexologue, ce qui est un métier! (Je me permets de vous le préciser). Ça me semble donc envisageable que ma fille ne deviennent pas forcément Pocahantas, mes fils électriciens et bûcheron (pour le côté bourru du dernier et pour faire bien cliché). Mais je vais vous dire, peu importe car le problème ne se situe absolument pas là!
Ce qui se joue pendant la petite enfance et particulièrement en fin de maternelle, ce n’est pas l’avenir professionnel de l’enfant ni la manière dont il participera aux tâches domestiques plus tard. Si garçons et filles ont des centres d’intérêts différents, c’est parce qu’ils construisent leur identité, forment leur intelligence et développent de nouvelles aptitudes.
Par exemple, ils trouvent dans les jeux dits “d’imitation et d’imagination” un espace pour extérioriser leurs angoisses et pour répondre à des questions existentielles. Sachez-le: quand elle arrive déguisée en princesse, les lèvres rouges et les chaussures à talon de sa mère, elle espère simplement attirer le regard! Elle a besoin d’entendre de la bouche de son père* (naturel ou de substitution): “tu es belle” (traduction psychologique: “tu es aimable”). Quand vêtu de son (immonde) costume de Spider Man, il déboule en plein dîner devant vos amis, il n’attend qu’un :”Whaou, tu es trop fort!” (traduction psychologique: “tu es capable de protéger les plus faibles”). Au lieu de ça, adultes bobos que nous sommes, nous nous confondons en excuses, gênés de n’avoir pas su résister à la pression commerciale…
En tant que parent, je fais deux constats. Le premier, c’est cette attraction irrésistible de mes garçons dès leurs six mois envers les motos, autos, camion et autres vehicules, machines de construction, pompier, police, etc. Pourtant, leur père n’a pas tuné
sa voiture ni construit sa maison. Il n’est ni pompier ni ingénieur. Pour ma part, je suis forcée de constater que ce n’est pas qu’une question d’éducation…
Le second constat, c’est qu’aucun de mes trois enfants ne se ressemble. Je vous parle de leur personnalité, pas de la blondeur qu’ils partagent! C’est l’expérience la plus fabuleuse il me semble: découvrir l’unicité de chaque enfant alors qu’ils viennent des mêmes corps et grandissent dans le même foyer. Notre devoir d’éducateur c’est, il me semble, de cultiver la spécificité de chacun et permettre le développement de leurs talents.
Au lieu d’une éducation sexo-différenciée, j’oppose une éducation des personnes dans leur intégrité. Au lieu d’une éducation consistant à déconstruire les stéréotypes de genre, j’oppose une éducation qui renforce les spécificités de chacun. Car je crois que “la différence est une chance”** pour notre société. Elle est même fondamentale. Et cela, ce serait le grand chantier dont le système et la mentalité élitiste française aurait grandement besoin… si je peux me permettre du haut de ma belgitude!
Que l’ensemble des métiers soient ouverts aux hommes et aux femmes qui en ont les compétences, c’est essentiel. Mais comme il est dommage et injuste de devoir par son apparence, son langage ou sa présence aux autres, se “masculiniser” pour s’integrer dans un monde d’homme ou de se “féminiser” pour participer à celui que l’on désigne être pour les femmes! Au lieu de fabriquer des pâles copies de l’autre, le rôle des éducateurs est d’aider l’enfant à devenir lui-même, y compris comme personne sexuée et rayonner de la sorte là où il choisit d’agir pour transformer la société.
T.
*les paroles du père raisonnent différemment parce qu’il représente le pôle extérieur et sort l’enfant de la relation fusionnelle qu’il entretient avec sa mère.
** Slogan contre la discrimination envers les personnes atteintes de la trisomie 21.
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