« Est-ce que vous trouvez ça normal de…? » : ainsi commence la question qui m’est le plus souvent posée. Et pour cause, la sexualité est une chose si intime qu’il est extrêmement difficile d’évaluer son vécu et d’oser émettre un jugement. D’autant plus lorsqu’un autre tente de faire taire votre trouble à coup de « Tout le monde le fait », « C’est toi qui a un problème » ou encore « Tu es vraiment coincé(e) ». Alors on s’habitue à certaines pratiques, on cherche à s’auto-convaincre que ses doutes sont absurdes et, dépité(e), on arrête de s’écouter.
On se pose rarement la question quand tout va bien… ou si, mais du genre : “Est-ce que c’est normal d’avoir une vie sexuelle si heureuse?” Oh… So cute! Mais honnêtement, elle arrive quand on se doute que quelque chose ne tourne pas rond, pourrait être mieux ou ne semble “pas bien”.
« J’ai juste une toute dernière question… C’est complètement idiot de vous demander ça, je sais, je suis ridicule, en fait…» L’inquiétude est palpable, la peur de ne pas être considéré(e) domine. Et là, le morceau (et pas des moindres) est lâché. En l’écoutant, je suis intérieurement éberluée : comment est-il possible que cette personne n’ose pas davantage faire confiance à son jugement? Elle le sentait bien au fond d’elle, ce malaise, mais elle n’a pas eu la force de lui donner raison. Et c’est ce manque de confiance qui m’interpelle, bien plus que le fait qui m’est rapporté. Souvent de nombreuses années se sont écoulées avant que la question resurgisse timidement. Frustration, tristesse, humiliation sont devenues les sentiments associés à l’expérience de la sexualité.
“Eh bien voilà, c’est pour ça qu’il faut faire ses expériences pendant sa jeunesse! Comment la personne peut-elle imaginer qu’il puisse en être autrement tant qu’elle n’a pas connu autre chose ? » répondrez-vous spontanément. On encourage ainsi la multiplication des expériences pour améliorer sa connaissance. En cas de doute, ses expériences passées seront un bon repère, pense t-on. D’accord, si la sexualité n’était que technique, l’idée aurait effectivement du sens. L’affaire mériterait, comme pour la vie professionnelle, des périodes de “stage” dans des contextes différents pour choisir celui qui nous convient le mieux. S’en suivrait des périodes d’essais, débouchant peut-être sur un premier “contrat à durée déterminée”, voire un “CDI” si l’expérience est satisfaisante…
Sauf que dans la vraie vie, des vrais gens, la chose est beaucoup plus complexe car la technique ne compte au plus que pour 10% de la part de réussite quand on veut littéralement « faire l’amour ». Or, c’est ce que les gens qui s’aiment désir vivre au plus profond d’eux-mêmes. La relation sexuelle est d’abord et avant tout une rencontre entre deux personnes.
Du coup, si connaissance il y a, elle se fonde sur la comparaison : « Avec mon ex, j’avais toujours du plaisir » ou « Mon ex, elle osait faire toute sorte de choses », etc. Mais en amour, s’il existe bien une chose douloureuse à l’excès, c’est la comparaison, surtout lorsqu’elle vous dévalorise. On voudrait être valorisé pour ce que nous sommes, pas en comparaison avec les autres. A ce rythme-là, il y a toujours mieux ailleurs. Quand un doute s’installe dans sa vie sexuelle, chacun fait alors appel à ses expériences – ou croyances – passées pour, en réalité, déterminer à qui incombe la faute. Mais allez dire à votre mari que pour vos ex, vous aviez toujours du désir alors que pour lui non et voyez sa réaction ! Allez dire à votre femme que vous faisiez jouir à outrance vos copines de l’époque quand elle peine pour sa part à obtenir le moindre orgasme ! Douleur garantie, une qui s’installe bien profondément et durablement.
Puisque c’est l’amour qui m’intéresse, je ne crois en aucune manière que ce soit la bonne stratégie pour améliorer sa connaissance de la sexualité et, en cas de doute, être capable de savoir si sa vie sexuelle est “normale” ou pas. Très bien, c’était différent avant. Et alors, en quoi cela aide-t’il à aimer la personne d’aujourd’hui? Je crains que chacun ne juge le présent avec son passé, remettant la faute sur l’autre, se déresponsabilisant, au lieu de penser la dynamique du couple.
Alors comment faire?
…
Partie II à suivre…
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