Quand on est atteint dans son intégrité physique, morale ou spirituelle, quelque chose d’important se produit en soi. Une partie de son être est touchée, meurtrie, je dirais même souillée et violée, comme si la méchanceté de l’offenseur avait rejoint le moi intime. On devient enclin à imiter son offenseur, comme si on avait été contaminés par un virus contagieux. En vertu d’un mimétisme mystérieux plus ou moins conscient, on a même tendance à se montrer à son tour méchant, non seulement envers l’offenseur mais envers soi-même et les autres. P.16
Le pardon peut seul briser ces réactions en chaîne, arrêter les gestes répétitifs de la vengeance pour les transformer en des gestes créateurs de vie. P.17
Pardonner n’est pas oublier. C’est une erreur de faire de l’oubli le test du pardon. C’est le contraire qui est vrai : le pardon aide la mémoire à guérir. Avec lui, le souvenir de la blessure perd de sa virulence. P.29
Pardonner à l’autre ne veut pas dire excuser. La fausse excuse a souvent l’allure d’une manœuvre habile et camouflée qu’on utilise pour atténuer sa souffrance. Être persuadé que l’offenseur n’est pas responsable est moins pénible à supporter que de savoir qu’il a causé le tort en pleine connaissance et en toute liberté. P.37
Le pardon passe nécessairement par la prise de conscience de soi et par la découverte de sa pauvreté intérieure: honte, sentiment de rejet, agressivité, vengeance, désir d’en finir. Un regard plus lucide et vrai sur soi-même, voilà une halte obligatoire sur la route sinueuse du pardon. Un tel regard effrayent au premier abord. Il peut même mener au désespoir. Étape difficile mais indispensable, puisque le pardon à l’autre doit nécessairement passer par le pardon à soi-même. P.46
L’autre erreur est de considérer le pardon comme la prérogative de Dieu seul. On laisse alors peu de place à l’initiative humaine. (…) Le pardon ne se fait pas sans la coopération humaine. (…) Le pardon se situe à la charnière de l’humain et du spirituel. Il est important de respecter ses deux composantes afin de bien les articuler, sinon on risque d’amputer le pardon de l’un ou de l’autre élément essentiel. P.50
Jean Monbourquette propose 12 étapes pour vivre le pardon. Je ne pardonne pas pour l’autre, par devoir ou par obéissance. Le pardon est avant tout une démarche personnelle pour se défaire d’un mal qui nous a contaminé et qui mine notre vie. Le pardon est donc un acte libérateur qui se fait dans le temps. Sur ce chemin l’accompagnement humain et spirituel doivent se différencier d’abord pour se compléter ensuite afin de ne pas sauter ou oublier des étapes essentielles.
Jean Monbourquette, Comment pardonner?, Edition Novalis, Ottawa, 2001.