7 ans! Mon fils a sept ans aujourd’hui. Ça y est, vous êtes déjà entrain de calculer: “Si son fils à 7 ans et qu’elle n’en parait même pas trente c’est que… Whaou! Elle l’a eu super jeune! Ou alors, peut-être qu’elle a tout simplement un excellent chirurgien esthétique à New York ?” J’aurais tellement aimé pourvoir confirmer la deuxième hypothèse mais à défaut d’avoir la fortune, j’ai la jeunesse. Je fête donc en ce jour la phrase qu’on m’a le plus répété dans ma vie: “Tu as eu tes enfants hyper jeune!”
Ici, une précision s’impose pour mes lecteurs: j’étais quand même majeur, indépendante et très bien mariée quand les faits se sont produits. Car oui, de nos jours, le “hyper jeune” n’est plus réservé aux fillettes de 12 ans issues des bidonvilles, devenue mère à la suite d’un viol et dont la maternité menace leur santé. On l’utilise pour toutes les femmes devenue mère avant 25 ans. Après 25, on supprime le “hyper” et on garde le “jeune”. Entre 30 et 35 ans, on dit : “tu les as eu tard“. Puis après 35 ans, on rajoute le “hyper” à “tard”.
Le fait dévoilé induit forcément une série de réflexions : “Moi, je trouve que c’est gé-ni-al!”; “Mais tu ne regrettes pas de n’avoir pas vécu ta jeunesse?”; “Attend, pour toi c’est facile de récupérer ta ligne!”; “Eh bien nous, on en a profité à fond avant, on s’est fait plein de voyages et on est bien content de les avoir eu tard!”; ” Ce sera la classe pour ton fils: tu te rends compte, tu passeras pour sa grande soeur quand il aura 17 ans!”; “Je trouve ça dingue! Quand t’es jeune tu ne connais encore rien de la vie!”; “Non mais c’est bien joué: tu fais tes enfants avant, tu te concentres sur ta carrière ensuite.”; “Attend: un enfant ça déstabilise tes études, tes choix professionnels: vaut mieux qu’il vienne après!”; “T’as bien fait, au moins tu as encore plein d’énergie, c’est trop sympa pour tes enfants!”, “Tu ne regrettes pas, sincèrement?”…et j’en passe et des meilleures.
Les “mamans jeunes”, les “maman tard”, les “maman hyper tard” ont elles aussi intégré la série d’affirmations approuvant ou désapprouvant leur choix. Je dirais tout de même que la tendance actuelle s’accorde sur une sorte de tolérance pour celles qui auraient décidé de mettre bas entre 25 et 30 ans. Et encore, celle-là compromettent fortement leur carrière. La maternité et leur vie professionnelle sont généralement très difficilement compatibles en cette période où elles doivent faire leur preuve. Les remarques au travail peuvent être d’une violence inouïe même si elles auront droit à des cadeaux et des congés maternités!
Alors c’est quand le bon moment pour faire un enfant?
Depuis la pilule, il parait qu’on peut choisir le timing pour avoir un enfant: on dit, “c’est ton choix”. Du coup, chacun se permet un avis sur le “choix” de l’autre parce qu’il questionne inévitablement le sien. Est-ce que c’est mieux? Est-ce que c’est moins bien? Et moi j’aurais fait quoi si – ou j’ai fais quoi quand – j’étais enceinte à l’université? Pourquoi j’ai “décidé” de ne pas avoir d’enfant à ce moment-là de ma vie? A chaque annonce de grossesse, le buzz revient inexorablement : a-t-elle bien fait d’avoir un enfant maintenant?
Notre réaction témoigne rarement d’un souci du bien-être de cette mère et de son enfant. En fait, chacune de nous se projette dans la maternité de l’autre et se compare pour espérer apaiser ses incertitudes par rapport à sa propre histoire, ses propres choix ou non-choix.
Et si au lieu de répondre à cette question, nous essayions d’accepter quelques vérités sur l’expérience de la maternité?
La réalité, c’est que l’enfant n’attend pas que ce soit le “bon moment” pour venir au monde. Il se fiche de l’âge de sa mère: elle est sa maman, c’est tout. Ce n’est pas parce que toutes les conditions matérielles et même affectives sont réunies que l’enfant “apparaît”. Que l’enfant ait été désiré ou non, qu’il ait été planifié ou soit une surprise, que sa mère ait 15 ou 45 ans: son bonheur n’en dépend pas. Quelque soit l’âge ou le moment, aucune femme ne peut espérer vivre une maternité parfaite car le défi est autre. Il consiste à accepter son histoire et reconnaître que la vie d’un enfant ne nous appartient pas. Il n’y a aucun âge pour ça. C’est le travail d’une vie.
Ça y est, c’est promis c’est intégré. Je dirais que ça m’a mis… 5 ans environ. Avant, je trouvais que c’était normal. Maintenant je pense que c’était “hyper jeune” et je dis “j’étais hyper jeune”. Voilà, ça c’est mon histoire. Il me reste maintenant à appliquer dans ma vie les conseils de ma sage-femme lors de mon accouchement: “Ne juge pas ta contraction: vis-là et habite-là pleinement!”
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