“Je me demande si je ne suis pas homosexuel(le)… ou alors peut-être bisexuel(le)?”
C’est une question extrêmement courante, provoquée indéniablement par l’actualité et dont l’inquiétude qu’elle peut susciter m’est confiée une nouvelle fois . Les jeunes surtout mais les adultes aussi ne peuvent aujourd’hui échapper à la question: suis-je hétérosexuel(le), bisexuel(le) ou homosexuel(le)? On nous dit qu’il faut choisir. Et bien moi, je défends le contraire: personne ne devrait répondre à cette question. Qui le pourrait, honnêtement?
Qu’est-ce que ça veut dire “être hétérosexuel(le)”, “être homosexuel(le)” ou “être les deux”? Est-ce que l’on parle là de ses attractions physiques? De sentiments amoureux? De comportements sexuels? De fantasmes? De sa vie de couple? D’état civil? Qu’est-ce qui, de tout cela, me définit ? Quel est le critère qui peut me permettre de dire qui je suis? D’où l’inquiétude… Comment savoir?
D’autant plus que l’expérience nous dévoile la complexité de la sexualité. Je peux avoir été le petit ami de plusieurs filles et désirer vivre une expérience sexuelle avec un homme. Je peux avoir un mari et éprouver une forte attraction pour une autre femme. Je peux être le père de plusieurs enfants, aimer ma femme et être excité par des images homosexuelles. Je peux éprouver un sentiment amoureux pour une femme et un homme à la fois et désirer vivre une rencontre sexuelles avec tous le deux. Je peux être attiré pendant toute une partie de ma vie par des femmes, puis par des hommes. Tout cela est possible et chacun d’entre-nous vit consciemment ou inconsciemment ces éclatements intérieurs. Cette réalité s’explique aussi par les deux pôles féminins et masculins qui cohabitent en nous. Voilà la réalité de la sexualité: nous subissons tous les fluctuations de nos désirs, de nos amours, de nos pulsions en fonction de son histoire et de sa sensibilité.
Une chose est d’observer ces mouvements en nous, l’autre est ce que l’on décide d’en faire. Là intervient enfin notre volonté: qu’est-ce que je choisis de vivre? Ici, chacun va devoir composer tant bien que mal entre ces désirs, la réalité, les règles de sa société, ses principes moraux et religieux, ses engagements, ses responsabilités, etc. Les tensions sont tantôt fortes, tantôt plus apaisées mais personne ne peut se targuer d’être totalement unifié.
Mais pour autant, suis-je la somme de mes actes? Est-ce parce que j’ai fait, parce que je fais, parce que je voudrais faire…que je suis tel ou telle?
C’est ce que l’on voudrait nous faire croire. Mais quelle angoisse d’être réduit à ses actes, pire encore, à sa sexualité!
J’ai des désirs mais je ne suis pas mes désirs. J’ai des pulsions mais je ne suis pas mes pulsions. J’ai des amours mais je ne suis pas mes amours. J’ai des fantasmes mais je ne suis pas mes fantasmes. J’ai des comportements sexuels mais je ne suis pas mes comportements sexuels. Mes désirs, mes pulsions, mes amours, mes fantasmes, mes comportements sexuels varient mais moi je demeure le (la) même. Je suis plus que mes désirs, plus que mes pulsions, plus que mes amours, plus que mes fantasmes, plus que mes comportements sexuels, je suis moi.1.
L’homosexualité a toujours existé. Ce qui diffère aujourd’hui c’est qu’après l’avoir considérée comme une maladie, on en a fait une identité et avec elle, l’hétérosexualité. On utilise de manière abusive le verbe “être” alors qu’il serait préférable d’utiliser le verbe “avoir” quand il s’agit de parler de la sexualité.
Sentez comme cette perspective nous donne l’occasion de respirer à nouveau. C’est l’unique chemin qui permet un respect véritable pour chaque personne.
1. Inspiration Jean Monbourquette, “Rechercher son identité profonde par la désidentification” Stratégie pour développer l’estime de soi et l’estime du Soi, Bayard, Quebec, 2003.