“Un jour mon prince viendra, un jour on s’aimera. Dans son château, heureux comme avant, s’en allant goûter le bonheur qui nous attend!” chantait Blanche-Neige devant 7 hommes éperdument charmés et nains.
L’histoire dira qu’effectivement il viendra, son prince. Et que d’un baiser même, il la ressuscitera. Dans la foulée, il la prend dans ses bras, la dépose sur son cheval blanc, l’emmène dans son château. Un petit écritaux “and they lived happily ever after” rassure les sceptiques avant qu’un précipité “The End” vienne clôturer l’histoire. On est en 1937.
Depuis, Simone de Beauvoir est passée par là pour libérer les femmes de leur état de passivité et leur destin d’épouse. C’était sa tentative du moins. Mais rien n’y fait: force est de constater qu’au 21ème siècle on peut encore entendre chanter à tûe-tête (au sens propre et figuré): “J’attends l’amour de mes rêves. J’attends l’amour, la douceur et la fièvre. Il peut venir, je suis prête à aimer vraiment. J’attends l’amour, simplement”. Celle à qui l’on doit ces paroles ne s’appelle pas Blanche-Neige mais Jenifer. Et malgré un leggings effet cuir, 12 cm de talons aiguilles et 32 ans, elle nous le dit :“il viendra de loin, se moquant des kilomètres. Il désarmera les vents et les tempêtes. Et rien ni personne, ne fera qu’il abandonne. Il viendra et je saurai le reconnaître. J’essais de m’imaginer à chaque seconde que c’est lui que je suivrai jusqu’au bout du monde”.
J’en connais une (toujours Simone) qui ne doit pas reposer en paix à force de se retourner dans sa tombe… Je passerai voir son caveau à l’occasion, j’habite à côté.
Bon, je commence par quoi? Le désir profond d’une femme d’être l’heureuse élue du coeur d’un homme (accessoirement fort-grand-brun-riche, pas le “nain” d’à côté) ou bien cette attente du jour où elle pourra cocher la case “en couple”? Bref, ce désir d’être “casée”.
Un jour, ce sera à son tour d’être aimée. Un jour, ce sera à son tour d’être mariée. Ce jour, elle l’attend. Et plus le temps passe, plus elle y pense. Et plus elle y pense, plus son entourage s’en mêle à coup d’exaspérantes réflexions du genre: “t”inquiète pas, la prochaine ce sera toi” ou le fameux “tu verras, c’est toujours au moment où tu t’y attends le moins que ça arrive”.
En fait, le célibat c’est comme une salle d’attente. T’es là, comme une conne à feuilleter des magazines débiles pour te changer les idées – car il ne faut pas y penser -tout en regardant du coin de l’œil les autres – leurs tics et leurs tocs – et la salle de se vider, au fur et à mesure… Et tu attends ton tour, et tu espères de toutes tes forces ne pas te retrouver seule avec ceux-là mêmes qui t’angoissent rien qu’à les observer.
L’impression que les meilleur(e)s sont déjà pris te gagne jusqu’au jour où s’impose à toi l’idée que si tu n’es à personne encore, c’est que tu n’es pas de ceux qui le méritent. Alors certain(e)s s’en vont avant en claquant la porte: “marre d’attendre, j’arrête d’y croire et d’espérer!”ou la version pragmatique “marre d’attendre, je m’inscris sur adopteunmec.com! “
L’attente. C’est de l’attente dont je voudrais vous parler. Attendre quoi au juste? Oui, qu’est-ce que tu attends? L’amour, j’entends bien. Mais quoi dans l’amour? Tu veux être aimé comment et pourquoi?
Croyez-en mon expérience, c’est ici que ça devient intéressant. Parce que d’abord nous avons tous une conception différente de l’amour formée par notre modèle parental, notre éducation et nos expériences. Lorsqu’on me confie “on ne m’aime pas”, je me dois de rectifier “on ne vous aime pas selon votre définition de l’amour”. Mais surtout, parce que nous cherchons tous l’amour dans l’espoir inavoué de combler un manque originel et personnel à chacun, traîné depuis notre plus tendre enfance comme un boulet dont on espère se libérer un jour, ce fameux jour. Ce que je désire donc dans l’amour, c’est une expérience de libération.
Or, croire qu’une personne puisse être capable par son amour de nous guérir de nos blessures c’est vrai dans un sens, mais pas dans celui auquel vous pensez. Les relations d’amour, quelles qu’elles soient en fait, sont des révélateurs de nos forces et nos fragilités personnelles. Plus la relation est intime et l’amour est fort, plus la personne ressent le désir voire même le devoir de surmonter ce sur quoi elle butte depuis tant d’années (manque de confiance en soi, d’estime de soi, colère refoulée, etc.). L’amour ne guéri rien mais donne le désir et l’opportunité de se soigner.
Ce que je veux vous faire comprendre, c’est que le couple ou le mariage n’est pas un but en soi tout comme le célibat n’est pas un état de transition. Ce sont chacun des chemins que nous empruntons pour un temps plus ou moins long, selon les rencontres et les épreuves de la vie. Quand j’entends des célibataires me confier leurs souffrances intimes, je leur dis qu’en aucune façon le mariage ne les aurait épargnés. D’une heure à l’autre, j’entends les difficultés d’une personne mariée puis d’une autre célibataire et dans le fond, seule le contexte change. Si pour les uns c’est dans la confrontation à l’autre qu’ils désirent faire un travail de libération, pour les autres c’est dans l’absence et le manque.
Le célibat n’est donc pas un état passif, en aucun cas. Si ce chemin est emprunté, c’est qu’il y a une bonne raison consciente ou inconsciente de l’avoir choisi. Quand il devient trop pesant, c’est important de pouvoir verbaliser cette raison et de chercher un autre moyen d’y répondre que l’absence de relations intimes. Exactement comme le font les gens mariés lorsqu’ils se sentent dans une impasse.
C’est dépouillée de l’idée qu’il existerait un “droit chemin” qu’il faudrait vous efforcer d’emprunter que je peux vous accompagner sur les voies sinueuses que prennent nos vies. Car c’est durant ce qui nous semblent parfois être un détour, un chemin de traverse ou dangereux que l’on peut contempler les plus beaux paysages…
Morale de l’histoire, soyez “Pocahontas”(ou “Rebelle” pour les plus au fait des derniers Disney) mais laissez Blanche-Neige aux nains.
Oups, je m’emballe! D’accord, j’arrête la métaphore.
Comme dans tout billet d’humeur, je me suis laissée un peu aller… et comme à chaque fois, je me dis que j’ai encore mille choses à vous partager: sur la sexualité des célibataires, par exemple! Bon sujet, non? Et puis, je ne sais pas trop pourquoi j’ai versé dans le girl talk. Je dois peut-être étudier de plus près les héros de dessins animé masculins ? Mais vous l’avez compris, le fond de mon propos est aussi valable pour les hommes.
Encore une affaire à suivre donc.
D’ici là, sortez de la salle d’attente.
T.
Comments are closed.