Être parent: aimer son enfant pour qu’il nous quitte! 2/3

Je reprends ma question d’hier: pourquoi n’est-ce pas ressourçant de s’occuper de ses enfants?

Certains répondront que c’est ennuyant. Peut-être parfois, oui. Ou souvent, même. Comme dirait Florence Foresti: le “gène du parc” n’existe pas plus chez les femmes que chez les hommes! Mais ce n’est pas, il me semble, la véritable raison. La preuve en est que les professionnels de la petite enfance et de l’éducation sont nombreux et souvent passionnés par leur travail. Donc, on peut penser qu’il n’y pas de lien direct avec l’activité même. L’essoufflement des parents doit alors trouver son origine dans une expérience plus profonde.

Après y avoir bien réfléchi, je crois qu’il s’agit de l’expérience de l’amour, celui des parents pour leurs enfants. Vous me répondrez: “Comment? L’amour est pourtant synonyme de plénitude, joie, plaisir!” Eh bien non, ce serait confondre à tord amour et bien-être. L’amour existe aussi dans la souffrance, le renoncement, le désert… Mais ça, on le refuse et on est souvent près à briser les liens pour échapper à cette traversée. Le bien-être personnel est devenu la valeur suprême, au détriment souvent de l’amour.

Quel choc alors de découvrir ce qu’être parent signifie! On a fait un bébé pour nous et cet enfant nous prend tout. On avait quelque chose à nous et en un rien de temps l’enfant deviendra grand. Il s’en ira. Il nous laissera seul(e), le corps marqué par son passage et le compte en banque aussi… Peut-être qu’on se reverra, peut-être quasi pas. Il nous en voudra pour quelque-chose, c’est certain. Peut-être qu’il nous pardonnera, peut-être pas.

L’amour des parents pour leur enfant, c’est un amour très spécial. Tu l’aimes pour qu’il soit capable de te quitter. Il y a cette première séparation au moment de l’accouchement. Mais aussi toutes ces courtes puis longues séparations: son entrée à la crèche et à l’école, ses séjours chez les grands-parents et les copains, son premier amour et son premier studio, son mariage et même parfois sa mort soudaine… En fait, tu apprends à ton enfant tout ce dont il a besoin pour te quitter, pour vivre sans toi!

L’amour des parents appelle la gratuité, le désintéressement, la générosité. Il peut devenir réciproque qu’au moment où l’enfant devient adulte et qu’un rapport d’égalité s’instaure. Quand tu t’occupes de tes enfants, tu es confronté à cette réalité de la relation.

Ce n’est pas un travail comme les autres. Tu ne gagnes pas d’argent, tu en perds. Tu ne gagnes pas de temps, tu en perds. Tu ne peux pas évaluer le résultat: qu’est-ce que ça signifierait “réussir son enfant”? Pour se construire personnellement, il te remet en question, te pousse à la colère, teste tes limites…

Être parent, c’est une expérience de dépouillement. Une rencontre avec ses fragilités, ses limites, ses angoisses. C’est l’expérience de l’accouchement qui se revit dans le quotidien… Utiliser la douleur pour lâcher prise et donner ainsi la vie. Voilà l’enjeu.

Oh, on nous a bien dit que la maternité était une expérience épanouissante, heureuse. Les stars s’affichent dans les magazines avec leur gros ventre ou leur bébé fraîchement né, rayonnantes, comblées. L’enfant devient un objet convoité, un droit même! Pour avoir un enfant, tous les moyens sont légitimés, des aides à la procréation à la location d’un ventre…

Dans ce contexte, quel parent s’autorisera à exprimer ses difficultés, ses remises en question, son épuisement? On doit être heureux, non? Et puis, on a choisi d’être parent, il faut assumer maintenant! C’est pourquoi mères et pères s’enferment dans le silence. Ils vont devoir choisir une manière plus acceptable d’exprimer leur épuisement, l’angoisse du vide, leur découragement. La dépression par exemple est une manière de le dire autrement…

L’amour d’une mère ou d’un père pour ses enfants peut être aussi destructeur… Il peut t’aspirer si fortement que tu finis par avoir l’impression de ne plus exister. Pour ses enfants, est-il bon de tout donner jusqu’à s’oublier?

Une traversée du désert cela ne s’improvise pas. Pour qu’elle soit belle, pour que l’on y survive et qu’elle nous fortifie, il y a quelques conseils à suivre.

La suite au prochain épisode, demain.

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