Chronique: faire de son mariage un conte de fée… ou pas.

J’étais toujours à New York, j’aimais à parler des différences culturelles entre Français et Américains et j’avais écris cet article sur le mariage sans jamais l’avoir publié. Je viens de retomber dessus, je vous le partage aujourd’hui (car je n’ai pas eu l’occasion de vous écrire ces derniers temps… oups!).

 

Sonnerie Skype. Il est six heures. Nous sommes dimanche matin. Bon sang, quand vont-ils intégrer ce foutu décalage horaire ? Encore à moitié endormie, je réalise à peine la nouvelle : mon frère va se marier ! La famille Belge réunie pour l’occasion est euphorique. Ils s’embrassent, on les félicite. La fête pour leurs fiançailles est annoncée. « Dans deux semaines ? Et le mariage cet été ? C’est dingue, ça! J’étais en Europe trois mois avec les enfants et tu décides de le faire maintenant, en plein hiver? Tu sais combien ça me coûte de venir ? »Voilà ce que j’aurais voulu lui répondre. Mais sur ce terrain-là je n’ai rien à dire : j’avais quelque peu bousculé famille et amis en mon temps.

Je ne peux pas rater l’évènement. Ça tombe plutôt bien en fait, j’ai justement besoin de me shooter à l’amour des jeunes couples. Quand son métier, c’est d’accompagner les personnes confrontées aux souffrances de l’amour, on en perd son innocence. Et lorsqu’en plus on approche les dix ans de mariage, cela  amène fatalement son lot de questions existentielles, crise oblige. Je voudrais leur crier : « eh, les gars : pas de pression, ne vous sentez pas obligés ! Vous engagez à vie,  là, vraiment ? Non mais vous réalisez ce que vous êtes en train de faire?» A quoi bon, c’est à moi-même que je parle. C’est fou comme ce genre de nouvelle nous remue tous. Chacun projette inévitablement sur les jeunes amours ses rêves, ses déceptions, ses bonheurs et ses échecs. D’ailleurs, j’en avais fait la rude épreuve à l’époque.
Un seul enfant sur les trois est du voyage, je peux donc espérer récupérer mon retard cinématographique pendant le vol. Pour me mettre dans l’ambiance je choisis une comédie romantique. Pour entrainer mon anglais je la prends Américaine. Une bonne façon de me mettre dans l’ambiance : elles ne parlent toutes que du mariage ! Mais d’où leur vient cette obsession ? Porté à l’écran indéfiniment, le mariage fascine encore apparemment mais ça n’en reste pas moins surprenant…

Même en France c’est magique : malgré les crises et les divorces, le mariage semble indémodable. Pire, il est devenu le must do ! La France de Hollande pousse même le « mariage pour tous ». Depuis mes cours de philosophie sur les bancs de la Sorbonne, je croyais que Marx et Simone de Beauvoir avaient enterré cette institution qu’ils qualifiaient de bourgeoise et qu’ils trouvaient aussi répugnante que la prostitution… C’est à n’y plus rien comprendre ! Après tout, le proverbe Chinois n’a jamais été autant d’actualité : « Le mariage c’est comme une ville assiégée, ceux qui sont dehors veulent y entrer, ceux qui sont dedans veulent en sortir ». Alors pourquoi  un tel engouement de part et d’autre de l’Atlantique? Telle est ma question.

« Everyone deserves to feel like a princess on brideday » tweet l’émission Say Yes to the Dress. N’avez-vous jamais assisté à un mariage américain ? Trouvez-vous des amis ou incrustez-vous : c’est l’expérience culturelle à vivre par excellence! De l’énorme diamant à l’album photos comprenant l’incontournable gros plan sur les chaussures (référence inconsciente à Cendrillon ?) en passant par la fameuse proposal,  la robe de mariée, celle des Bridesmaids, le choix du lieu insolite ou ultra romantique, les américains ont fait du mariage un conte de fée. « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », voilà l’objectif que l’américaine lambda espère atteindre. Comme tous les contes de fées, l’objectif est de faire rêver les petites filles (ou plutôt exactement ici, faire saliver d’envie ses amies). Le mariage doit être une histoire à raconter où chaque détail fait la magie. A force de l’avoir imaginé, la future mariée sait exactement ce qu’elle veut : époustouflant ! Pour lui faire plaisir, le marié se prête gentiment au jeu des photos ou des caprices en tout genre. Comprenez bien une chose : le mariage est dans la société américaine avant tout la réalisation d’un rêve et surtout une preuve de sa réussite personnelle.

Le mariage fascine donc mais autant qu’il déçoit car loin d’être un conte de fée, c’est avec la réalité qu’un couple doit composer. Dans mes accompagnements, nous abordons les questions essentielles pour savoir si le projet de mariage s’accorde avec la vie authentique: « pouvez-vous partager à l’autre vos tristesses et vos bonheurs, vos souffrances et vos jouissances, vos déceptions et vos espoirs ? Plus qu’une princesse ou un prince, l’autre est-il pour vous le compagnon de vie qui vous fait avancer, qui vous rend meilleur ? ».

« Nous, on ne se serait certainement jamais marié si on était resté en France ! » affirment de très nombreux couples expatriés aux Etats-Unis par opposition ou par dégout des cérémonies pompeuses et coûteuses. « On a surpris tout le monde par cette décision soudaine, on a fait ça juste avant de partir pour qu’elle puisse m’accompagner ». Seulement voilà, la formalité de l’acte est souvent un prétexte pour éviter les questions existentielles sur le sens et la valeur de la vie à deux et de l’engagement. Evacuées pendant quelques mois puis années, elles apparaissent au moment où le couple craque. Je les entends se dire : «Tu ne peux pas partir comme ça, on est marié quand même ! » et l’autre de répondre : « tu sais bien que ce mariage n’a pas d’autre valeur que de m’avoir permis de te rejoindre ». Un malentendu qui fait souffrir, un malentendu que l’on peut éviter.  « Notre mariage représente quoi pour toi ? », telle est la question que l’on peut se poser mutuellement aujourd’hui, quel que soit le type de mariage qui a été contracté.

Ne vous trompez pas, le mariage même civil peut prendre un sens différent pour chacun. Il charrie avec lui des attentes et des valeurs conscientes et inconscientes. L’essentiel pour un couple est de s’accorder sur sa signification avant. Puis, de se demander : « qu’est-ce que cela signifie pour toi que je sois ton mari/ta femme ? ».

Voilà un beau sujet de conversation suscité par les futurs mariés de l’été, le débat socio-politique de l’année et l’expérience de l’expatriation.  Parlez-en ensemble et posément. Le rêve ou la précipitation pour l’obtention d’un visa ou d’une green card ne peut justifier d’en faire l’économie. Car en réalité, le besoin profond d’être aimé entièrement et indéfiniment, le besoin de reconnaissance et de sécurité n’ont jamais été aussi peu prêts de disparaitre !

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