Billet d’humeur: le meilleur âge pour se marier

La saison est ouverte. Elle s’annonce chargée puisque le mariage est devenu le must do. Un coup marketing dont les bobos et homos sont les seuls capables: rendre cool le rétro. J’adore.

J’avoue avoir loupé un épisode à force de parcourir le monde! Parce que moi, j’en étais restée à la France de Marx et Simone de Beauvoir qualifiant l’institution du mariage de “bourgeoise”, aussi répugnante que la prostitution. Parce que moi, quand j’ai choisi de me marier, pas un jour ne s’est écoulé sans que quelqu’un essaye de m’en dissuader. Parce qu’autour de moi à la Sorbonne, personne ne se mariait, tout le monde cohabitait.

Se marier, c’était un acte rebelle. Passionnés et radicaux, on voulait vivre nos aspirations profondes maintenant, entièrement et pour toujours.

Je n’avais même pas 20 ans…

Cet âge produit inévitablement l’effet de rendre mes interlocuteurs journalistes, mais plutôt du type commentateur people (ou sportif, côté débit de parole): des “hypers jeunes” qui se marient, vous imaginez, so interesting!

T’étais complètement folle! Tu regrettes, non?” réagissent les uns.“Oui mais c’est quand même beaucoup plus facile de se marier à 20 ans qu’à 30 ans! Tu ne mesures pas les risques, tu n’es pas désabusé, tu ne sais pas vraiment dans quoi tu t’embarques…” répliquent les autres. “Eh bien justement, tu manques d’expérience et de la maturité nécessaire pour prendre un engagement sur toute une vie” poursuivent les premiers. “Tu sais, les expériences passées augmentent aussi considérablement la taille de tes valises: c’est pas plus évident de se prendre en pleine face tout le passé de l’autre!” répondent les seconds. “Je pense quand même que d’avoir un bon job avant, ça donne une stabilité indispensable pour être responsable” tentent-ils pour conclure. “La stabilité et l’assurance ne sont certainement pas des qualités principales, plutôt des défauts même! Parce que le mariage, ça te demande une souplesse de tout les jours et une faculté d’adaptation qui s’apprennent et s’entraînent plus facilement si on est jeune!”

Pas de doute, se marier c’est comme pour faire des bébés: on discute forcément du meilleur âge pour le faire.

Devant l’ampleur du challenge, chacun se rassure comme il peut. On cherche la formule magique qui permettra de réussir: multiplier les expériences avant ou conserver sa virginité, cohabiter d’abord ou emménager après, terminer ses études ou pas, s’éclater seul avant ou ensemble pendant, avoir déjà réussi professionnellement ou espérer y arriver malgré cet engagement, etc.

Soyons lucides: un couple sur deux divorce dans les grandes villes; pour tous, c’est un défi permanent. Alors osons le dire, les fiancés donnent la chair de poule mais attendrissent aussi. Pourquoi? Parce que les amoureux sont sourds, les fiancés arrogants: “Nân, mais nous c’est pas pareil!” lâchent-ils violemment. Ils y arriveront, eux. Pas comme leurs parents, leurs aînés, leurs amis qui se galèrent, qui tombent, qui souffrent… Ils se défendent : “On a pas de modèle, on doit réinventer le mariage!“. Faux. Ils sont entourés de modèles seulement voilà, ils refusent souvent d’accepter la réalité du mariage, chemin d’humilité.

Le mariage, c’est un lieu où chacun découvre ses fragilités, son impuissance. Et dans cette expérience de mise à nu, au sens propre comme au sens figuré, l’amour se vit. C’est le dévoilement des failles qui laisse un espace pour que se glisse l’amour. Alors n’ayons pas peur des crises, des chutes, des échecs. Ce n’est pas grave… car ils peuvent devenir autant d’occasion de mûrir, de se découvrir soi-même, de se libérer de ce qui nous empêche d’aimer et d’être aimé.

Ma grand-mère de 93 ans dit des couples qu’ils cheminent. Plus mes années de mariage défilent, plus cette expression me parle. Elle nous fait sortir d’une logique de performance. Le but n’est pas de “réussir son mariage” mais d’avancer sur le “chemin de la Vie”. Je dirais même plus, d’apprendre à mourir, c’est-à-dire à lâcher-prise.

Dans cette perspective, l’âge n’importe plus. Le mariage, c’est une histoire de rencontre d’abord, d’itinéraire ensuite.

“Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin: passe le message à ton voisin” comme disait Tonton David (notez la référence!).

On assiste aujourd’hui a une idéalisation du mariage parce qu’on refuse de regarder sa vie à la lumière de sa mort. Au nom du bien-être, on refuse le travail de “purification” qui nous est permis de vivre sur terre au travers de toutes les expériences heureuses et douloureuse qui nous sont données de vivre. Tourné ainsi, le mariage n’est plus une source d’inquiétude: les épreuves ne font pas peur. Etre marié n’est plus un état statique mais peut devenir un mouvement.

Je pense pour ma part, que c’est ce refus de la réalité qui empêche l’amour de se vivre durablement. Pourtant, elle est encore plus belle que l’idée.

T.

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